L’influence culturelle sur nos pratiques orthophoniques
Nos pratiques professionnelles sont ancrées dans un contexte culturel bien précis. En orthophonie, la majorité des outils, normes et modèles d’intervention proviennent de sociétés occidentales, souvent individualistes. Pourtant, ces repères ne s’appliquent pas toujours à toutes les familles que nous accompagnons.
Nos pratiques sont culturellement situées
Les approches que nous considérons comme “fondées sur les données probantes” sont issues d’un cadre où l’autonomie, la prise de parole et la communication directe sont valorisées.
Dans d’autres cultures, la valeur première peut être l’écoute, la discrétion, la hiérarchie ou le rôle collectif.
Reconnaître cette influence, c’est admettre que notre façon “habituelle” d’intervenir ne convient pas à toutes les réalités culturelles.
Individualisme vs collectivisme
Les cultures individualistes (comme celles d’Amérique du Nord ou d’Europe de l’Ouest) mettent l’accent sur l’expression personnelle : encourager l’enfant à “s’exprimer”, “nommer”, “donner son opinion”.
Les cultures collectivistes, elles, valorisent l’harmonie, l’observation et la place du groupe : les enfants y apprennent souvent par imitation, en silence, sans forcément verbaliser.
| Dimension | Cultures individualistes | Cultures collectivistes |
|---|---|---|
| Interactions | Enfant-adulte centrées sur le langage | Entre pairs, observation et imitation |
| Jeu | Jeu symbolique, verbal | Jeu fonctionnel, collectif |
| Habiletés valorisées | Expression orale, autonomie | Écoute, observation, respect |
| Valeur sociale | “Dire” et affirmer | “Observer” et apprendre du groupe |
Exemples culturels (tirés de mes lectures et expériences cliniques)
- Communautés inuites et mayas : les poupons ne sont pas directement adressés par les adultes ; ils écoutent et observent jusqu’à pouvoir parler eux-mêmes.
- Guinée : les enfants apprennent à communiquer entre pairs ; le langage se développe dans le groupe.
- Parent congolais : le lingala perçu comme “vulgaire” en contexte scolaire montre comment les représentations linguistiques influencent le langage à la maison.
Ce que cela change pour nous
Ces différences ne sont pas de “mauvaises pratiques” : elles sont simplement différentes. En tant qu’orthophonistes, notre responsabilité est de ne pas pathologiser la diversité.
Nos observations, nos attentes et nos normes doivent être questionnées à la lumière du contexte culturel et linguistique de chaque famille.
De la compétence à l’humilité culturelle
La compétence culturelle consiste à “connaître” des différences culturelles ; l’humilité culturelle va plus loin : elle nous pousse à reconnaître ce que nous ne savons pas.
C’est une posture, pas une compétence figée :
- poser des questions ouvertes ;
- écouter sans juger ;
- accepter d’apprendre ;
- co-construire les objectifs avec la famille.
L’humilité culturelle nous protège du réflexe d’imposer notre vision du développement. Elle ouvre un espace de dialogue authentique où les familles se sentent respectées.
Conclusion
Nos outils, nos grilles et nos attentes sont teintés de nos cultures professionnelles. En reconnaître les limites, c’est déjà faire preuve d’humilité.
Adopter une posture d’apprentissage continu nous rapproche d’une orthophonie véritablement inclusive.
→ Pour aller plus loin : découvre la formation L’orthophonie inclusive – la prise en charge de l’enfant bilingue et plurilingue.